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Analyses - 4 août 2011

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août 2011

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La cuisine de rue et l’exception québécoise

De la cuisine coréenne fusion aux burgers réinventés, en passant par les dumplings, on assiste présentement à une renaissance de la restauration mobile. Extrêmement populaire dans de nombreuses villes américaines et canadiennes, la cuisine de rue demeure interdite au Québec. Voyons l’exemple de certaines municipalités qui ont développé cette offre de façon structurée.

En restauration, c’est la tendance du moment

Certains «classiques» font pratiquement figure d’emblèmes nationaux (le bretzel new-yorkais, le fish and chips anglais, etc.), mais ce sont les nouveaux concepts gourmets qui propulsent la popularité de la cuisine de rue. On observe l’émergence d’une cuisine originale, santé, multiculturelle ou locale. Certains chefs s’en mêlent et les pauses-repas deviennent plus exotiques, plus raffinées et variées. Selon les villes, les camions-restaurants se déplacent au gré des autorisations municipales ou dans des quartiers où la demande est forte.

Les amateurs de ce type de restauration estiment que la cuisine de rue anime le milieu urbain, crée un climat de convivialité, encourage l’économie locale et l’entrepreneuriat, puisque les frais de démarrage sont moindres que pour un commerce traditionnel. De plus, les autorités y voient parfois une façon peu coûteuse d’attirer des passants dans des espaces publics sous-utilisés.

La cuisine de rue répond aux nouveaux modes de vie, où le temps est si précieux, les horaires chamboulés, où la malbouffe, moins prédominante qu’avant, laisse de plus en plus de place à l’authenticité et à la qualité. Elle se veut aussi plus près de la cuisine et de ses artisans, sans compter qu’elle favorise le lien entre l’entrepreneur et le client. Bien adaptés à leur époque, les camions-restaurants communiquent allègrement sur les médias sociaux, où leur grande communauté peut suivre leurs déplacements et s’informer de leurs nouveautés.

Boston et Vancouver : des exemples inspirants

Il y a deux ans à peine, mentionner cuisine de rue et Boston dans la même phrase semblait chimérique. Or, grâce à l’initiative du maire, jumelée à des mesures prises par le conseil municipal, la ville est en voie de devenir une nouvelle capitale du camion-restaurant. Depuis, environ 30 cuisines mobiles circulent à Boston et à Cambridge. Les menus alternent entre grillades traditionnelles et menus originaux, en plus de proposer des aliments moins dommageables pour la santé que ce qu’offre la restauration rapide.

Mais ne s’installe pas qui le veut où il le veut. Premièrement, la démarche pour l’obtention d’un permis de camion-restaurant est rigoureuse. Deuxièmement, afin de réguler la répartition géographique, la Ville permet trois options:

  • vendre sur une propriété privée – avec l’accord du propriétaire;
  •  vendre sur la voie publique – un permis particulier doit être octroyé (il s’agit surtout de petits kiosques sans préparation d’aliments);
  • vendre sur des terrains ciblés – c’est ici que Boston se démarque. Par l’identification de six lieux, la Ville contrôle les flux de clientèle, rehausse certains parcs publics et limite les impacts de la cuisine de rue sur la restauration traditionnelle. Pour l’ouverture du site de City Hall, la Ville a organisé une compétition, au cours de laquelle les trois camions-restaurants gagnants (en fonction de la qualité et de la fraîcheur de leur menu) se sont vu octroyer le droit d’exploiter leur camion sur ce site, en plus de recevoir une assistance technique et un prêt à faible taux d’intérêt.

Annonçant 19 nouveaux vendeurs en 2011, choisis parmi plus de 100 postulants par un comité composé entre autres de chefs, de blogueurs et de nutritionnistes, la Ville de Vancouver développe une cuisine de rue multiculturelle. Parmi les critères de sélection, mentionnons les aliments locaux, biologiques ou équitables, la valeur nutritionnelle, la salubrité, le plan de gestion des déchets. Le choix se base aussi sur un sondage auprès de la population quant à ses goûts culinaires.

Le maire de Vancouver cite en exemple la variété offerte à Portland ou à New York et encourage les initiatives originales. Il estime que ce type de restauration rend la ville plus vibrante, amène les gens à sortir, à socialiser.

Cuisine_rue_image1

The Kaboom Box sert des fruits de mer à Granville et sur la rue Robson.

Source: Urban Diner

Autres pratiques intéressantes

  • On en trouve pour tous les goûts à New York avec environ 5000 «casse-croûte» itinérants, multiculturels et branchés. Il existe une compétition annuelle, où critiques et chefs réputés couronnent un vainqueur. Récemment regroupés en association, plusieurs restaurateurs ont même embauché une firme de lobbying pour obtenir le droit d’utiliser des espaces de stationnements payants.
  • San Francisco n’est pas en reste. Mentionnons l’exemple du restaurant français haut de gamme Spencer. Le camion Spencer on the go vise à démocratiser la fine cuisine. On y offre des plats gastronomiques peu coûteux, il projette des films de répertoire sur une nappe blanche et annonce son restaurant.
  • La ville baromètre de tendances, Portland, compte 600 roulottes pour 500 000 habitants. Les stationnements du centre-ville se transforment en foires alimentaires. Comme pour n’importe quel restaurant, les inspecteurs sanitaires de la Ville sont très vigilants. Les produits locaux et les plats santé sont valorisés.

Balbutiements montréalais

Au Québec, la cuisine de rue a été interdite à la fin des années 1940 pour des raisons d’insalubrité. Aujourd’hui, malgré le fait que ces installations nécessitent une gestion municipale en matière de permis, de taxes et de salubrité, ces enjeux ne semblent pas être la principale raison de leur absence. D’autres grandes villes arrivent à résoudre ces problématiques. L’Association des restaurateurs du Québec soutient pour sa part que l’offre actuelle en restauration est particulièrement élevée par rapport à la population et qu’une concurrence accrue causerait des torts au secteur. Selon un article du journal Métro, la Ville de Montréal en la personne du maire soutient aussi cette idée. Malgré l’interdiction, il existe actuellement quelques avenues où la restauration de rue est possible au Québec.

Les festivals échappent à la loi : ils sont régis par des règles particulières leur permettant d’accueillir des camions-restaurants. Un pionnier est Grumman 78, un camion servant des tacos et participant à certains festivals. Les trois jeunes entrepreneurs espèrent bien sillonner les rues un jour si la loi s’assouplit. Initiative inspirante de la Société des arts technologiques, le FoodLab est un kiosque temporaire où des chefs réputés de Montréal ont offert des mets gastronomiques pour un prix minime à l’occasion du festival Mutek. Notons toutefois qu’un kiosque alimentaire dans un festival ne correspond pas tout à fait au concept de la cuisine de rue.

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FoodLab

Source: Voir.ca

De plus, en tant que filière d’une société d’État, la Société du Vieux-Port de Montréal gère le site selon des règles qui peuvent différer des juridictions québécoises. Elle a conclu des ententes avec quelques vendeurs éphémères, dont MUVBOX (lire aussi: Les espaces pop-up, la nouvelle tendance de l’éphémère), la biscuiterie mobile de Monsieur Félix et Mr. Norton et le glacier Bilboquet.

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Source: Quais du Vieux-Port 

Quel avenir pour Québec et Montréal?

Selon Gérard Beaudet, directeur de l’Institut d’urbanisme de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et professeur titulaire, la cuisine de rue apporte beaucoup à une ville en termes de convivialité, d’animation et répond à un besoin des travailleurs et des touristes de manger sur le pouce. Pour lui, les motifs évoqués pour interdire cette pratique, principalement la salubrité et la concurrence déloyale, sont plus ou moins recevables. Il propose de laisser le marché s’exprimer et rappelle que ce type de restauration comporte des avantages, mais aussi des inconvénients, notamment la sensibilité aux intempéries. Néanmoins, en contribuant à l’augmentation de l’achalandage des lieux, il peut être profitable pour tous.

Enfin, tel qu’il le mentionne et comme le fait la ville de Boston, il y a lieu de localiser intelligemment l’offre de cuisine de rue et de gérer l’offre en faveur de l’authenticité. L’étude des cas de ces villes qui en ont fait un développement structuré est intéressant, surtout si l’on considère qu’une demande existe bel et bien, que l’on souhaite faire de la gastronomie québécoise un atout touristique et qu’il s’agit d’une tendance forte en Amérique du Nord.

Terminons par ce petit clin d’œil : une publicité de Porter Airlines mettant la cuisine de rue à l’honneur.

Cuisine_rue_image4

 

Sources:

– Anderson, Rob. «Movable feasts», Globe Correspondent, Boston.com, 8 juin 2011.

– Beaudet, Gérard. «L’urbanisme et l’alimentation de rue», chronique diffusée sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada à l’émission L’après-midi porte conseil, 31 mai 2011.

– Blogue Eyes wide stomach. «The 2011 Boston Food Truck Challenge», 10 septembre 2010.

– Brew, BC. «Vancouver’s Emerging Street Food Landscape», Urban Diner, 18 avril 2011.

– Cole, Yolanda. «Vancouver street-food scene expands with 19 new vendors», Straight.com, Vancouver’s online source, 4 avril 2011.

– Dobkin, Kelly. «The 5 Hottest Dining Trends in 2011 So Far», Zagat.com, 20 juin 2011.

– Fortier, Vincent. «Qui a peur de la bouffe de rue?», Journal Métro, 28 juin 2011.

– Reddi, Sumathi. «Don’t Call Them Softees», The Wall Street Journal, 23 mars 2011.

– Robillard Laveaux, Olivier. «Le FoodLab à Mutek, Rave ton assiette», Voir.ca, 26 mai 2011.

– Série documentaire 109. «5 étoiles sur le pouce», émission réalisée par Geneviève Tremblay, diffusée à RDI le 14 mai 2011.

Sites Web:

– City of Boston: Mobile Food Vending

Quais du Vieux-Port

Grumman 78

 

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