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Analyses - 9 mai 2006

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mai 2006

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La culture comme axe de développement touristique des villes

Depuis le tournant du millénaire, les dirigeants et les têtes influentes de Montréal ont maintes fois souligné que l’avenir économique et touristique de la métropole québécoise passait par la culture. Mais Montréal n’est pas la seule ville à privilégier la culture. Toronto a décidé d’investir massivement dans ses infrastructures culturelles, tandis que New York a choisi de soutenir les activités de création dans le but de consolider sa position de cité culturelle par excellence. Plus que jamais, la culture est au coeur de la ville.

Les vertus économiques de la culture

Dans un contexte de mondialisation, où les villes, plus que les États, deviennent les véritables acteurs de la concurrence économique mondiale, la culture est désormais largement reconnue comme vecteur de développement économique et urbain. Par sa propension à générer un environnement créatif qui attire les investisseurs et les talents de la nouvelle économie basée sur le savoir et l’innovation, la culture est appelée à devenir de plus en plus présente dans la réalité urbaine.

Ce n’est donc pas un hasard si l’on associe naturellement le tourisme urbain et le tourisme culturel. Selon une récente étude de la Commission Européenne du Tourisme, seulement 20% des touristes qui visitent une ville européenne mentionnent la culture, en son sens large, comme principal motif de voyage. Même si un grand nombre de touristes urbains ne se considèrent pas comme des touristes culturels, la forte majorité des séjours urbains inclut au moins une activité culturelle.

Si le tourisme culturel urbain continue à être dominé par les grandes capitales de la culture comme Paris et Londres, l’actuelle tendance à la bonification de l’offre culturelle permet à des villes, autrefois de moindre intérêt culturel, d’émerger comme nouvelles destinations touristiques.

Le développement par le bâti

Devant relever d’importants défis de revitalisation urbaine, plusieurs villes optent pour le développement d’infrastructures culturelles majeures afin de souligner de façon tangible le passage vers une nouvelle ère économique.

Parmi les exemples fréquemment cités, mentionnons la ville de Bilbao en Espagne qui a choisi de marquer son virage vers l’avenir en mandatant l’architecte de renommée mondiale, Frank Gehry, pour concevoir le désormais célèbre musée Guggenheim qui a ouvert ses portes en 1997.  En plus de changer l’image de la ville, l’ouverture du musée a permis de générer, dès la première année, plus de 1,3 million de visites. Fait important, 79% des visiteurs déclaraient s’être déplacés vers la destination expressément afin de voir le musée.

Le succès de Bilbao a inspiré de nombreuses villes européennes et américaines qui ont aussi choisi de modifier leur image et de relancer leur fréquentation touristique par la construction d’oeuvres architecturales majeures. [Lire aussi : Surenchère, démesure et originalité.]

En Écosse, la ville de Glasgow, aussi aux prises avec un lourd héritage industriel, a pour sa part décidé d’investir dans la création d’un spectaculaire musée du transport dont l’ouverture est prévue pour 2009.

C’est également la voie qu’a choisi de suivre la ville de Toronto avec plusieurs projets majeurs, dont la revitalisation du Royal Ontario Museum (200M$), la construction de l’Opera House (181M$), la revitalisation du Art Gallery of Ontario par l’architecte Frank Gehry (180M$) et la rénovation du Gardiner Museum of Ceramic Art (15M$).

Le réaménagement urbain

D’autres villes ont plutôt opté pour des projets de réaménagements urbains qui visent à valoriser et à faciliter l’accès aux offres culturelles. Dans certains cas, les initiatives visent à redynamiser un quartier patrimonial, dans d’autres, à changer la vocation d’un vieux quartier, comme par exemple la revitalisation des quartiers Petit Champlain et Saint-Roch à Québec. Le premier, qui abrite des ateliers et des boutiques depuis l’époque de la Nouvelle-France, marie aujourd’hui avec succès résidences historiques, restaurants, commerces et salle de spectacles. Pour sa part, le quartier Saint-Roch doit sa renaissance à l’un des plus grands chantiers de rénovation urbaine du Québec, alors que la Ville a investi 5,2 M $ dans l’aménagement du jardin de Saint-Roch, qualifié de véritable poumon vert dans la grisaille d’un quartier qui était alors moribond. Aujourd’hui le quartier est devenu la nouvelle destination au coeur de Québec: restaurants aux dernières tendances, lounge dernier cri, belles boutiques avant-gardistes et plus d’une centaine d’ateliers d’artistes.

Le réaménagement peut également chercher à structurer l’offre culturelle urbaine. À Montréal, depuis 2003, les dirigeants municipaux, conjointement avec les acteurs touristiques et culturels de la métropole, oeuvrent au développement d’un quartier des spectacles. Une initiative que reprend actuellement la ville de Vancouver, en collaboration avec le ministère du Tourisme de la Colombie-Britannique, qui annonçait en avril dernier un investissement de 10M$ pour soutenir la création d’un district culturel au coeur du centre-ville.

À Vienne, par ailleurs, la ville a vu les choses en grand et a décidé de marier le concept de district culturel à celui de nouveau bâtiment culturel en créant une sorte de complexe de la culture: le Museums Quartier Wien. Il s’agit d’un grand ensemble culturo-récréotouristique de 60 000 m2 où l’on trouve plus de 40 institutions culturelles qui représentent toutes les formes d’art. Lors de la première année d’existence, le complexe a accueilli plus de deux millions de visiteurs.

L’animation urbaine et la culture locale

Certaines villes abordent quant à elles la problématique du développement culturel avec une approche moins architecturale ou urbanistique, en cherchant à valoriser et à soutenir la créativité des artistes et des artisans ainsi que les caractéristiques propres aux populations locales.

Ainsi, le maire de New York annonçait récemment que le développement de la vitalité culturelle de la ville passait par le dynamisme des entreprises culturelles et que, par conséquent, la ville privilégiait la création d’un bureau spécial visant à soutenir directement les créateurs et à défendre de façon dynamique son titre de capitale nord-américaine des arts et de la culture.

À Washington, afin que le développement culturel profite à tous, l’organisme Cultural Tourism DC développe des circuits urbains dans les quartiers situés en périphérie des circuits traditionnels. Les objectifs sont de valoriser les différents quartiers de Washington, d’impliquer les communautés locales, de développer des produits culturels et de favoriser leur succès en s’assurant que le produit soit vraiment prêt pour les visiteurs. Cette approche reconnaît à la fois le rôle moteur que joue la culture dans le développement touristique et la nécessaire implication de la population locale afin d’assurer la pérennité du développement culturel.

Par ailleurs, le succès populaire et touristique que connaissent de nombreux festivals est une autre intéressante illustration de ce potentiel de la culture en tant que «promoteur du développement local». Selon le sociologue français Gilles Arnaud, ce succès s’inscrit dans le sillage de tendances qui favorisent leur développement, à savoir:

  • la recherche du plaisir, de l’émotion partagée et de la spontanéité, au détriment de constructions trop intellectualisées;
  • une attirance pour l’éphémère allant à l’encontre de l’approche traditionnelle de la culture à l’effet que celle-ci soit synonyme de durée, de permanence et d’intangibilité au travers des âges.

Priorité à l’authenticité

En fait, il semble que chaque ville doive adopter une approche de développement culturel adaptée à sa réalité, à son histoire et à ses moyens. Pour sa part, le tourisme urbain et culturel n’est que le résultat qui découle des dynamiques qui existent et se forment au quotidien entre les individus qui occupent ou visitent les espaces urbains. L’urbanisme, la sociologie, le tourisme et, finalement, l’économie elle-même semblent les variables d’une seule et même problématique: celle du bien vivre ensemble.
 
En collaboration avec Matthieu Clair Saillant

Sources : 

– Brault, Simon. «Montréal, métropole culturelle inachevée», Le Devoir, 27 avril 2006.
– City of Vancouver. «Province and City Plan New Vancouver Cultural Precinct», communiqué de presse, 5 avril 2006.
– Cloutier, Mario. «Montréal n’a rien à envier à Toronto comme métropole culturelle», La Presse, 10 mai 2006.
– Commission Européenne du Tourisme. «Une étude de l’OMT et de la CET analyse les futurs enjeux du tourisme urbain et de la culture en Europe», communiqué de presse, 8 novembre 2004.
– Joyal, Serge. «Montréal a-t-elle perdu son statut de Capitale culturelle du Canada?», La Presse, 15 août 2005.
– Plaza, Beatriz. «Evaluating the Influence of a Large-scale Cultural Artefact in the Attraction of Tourism – The Guggenheim Museum Bilbao Case», Urban Affair Review, vol. 36, no. 2, novembre 2000.
– Rioux Soucy, Louise-Maude. «Tourisme culturel: New York sort les griffes», Le Devoir, 6 avril 2006.

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