La vanlife en 2022 : un état de la situation

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Elisabeth Sirois Elisabeth Sirois

Les voyageurs en véhicule récréatif et en van prennent d’assaut certaines destinations… pour le malheur des uns et le bonheur des autres.

Voyager en VR ou en van n’est pas nouveau, mais l’engouement pour la pratique bat des records. D’après une étude de 2021 réalisée par la Chaire de tourisme Transat portant sur les habitudes touristiques estivales des voyageurs québécois, les road trips figurent parmi les principales expériences touristiques recherchées durant l’été, selon 44 % des répondants.

D’après le rapport 2022 sur le camping en Amérique du Nord, près de 15 millions de ménages américains ont effectué un séjour en véhicule récréatif en 2021. Parmi ces voyageurs, 11 millions étaient propriétaires des véhicules. Le marché de la location de VR a également connu une croissance marquée avec près de deux millions de nouveaux locataires l’année dernière.

En 2021, Go Van a publié les résultats d’une étude menée auprès d’un échantillonnage de convenance de 1 000 vanlifers québécois. Le sondage visait à brosser un portrait des membres de cette communauté de voyageurs nomades. Voici ce que l’on sait à leur sujet jusqu’à présent :

Un peu moins de 55 % des répondants ont de 25 à 49 ans tandis que 40 % sont âgés de 50 ans et plus.

Source de l’image : Go Van

Quelque 29 % des répondants effectuent des voyages en van depuis au moins cinq ans. On dénombre tout de même plusieurs nouveaux adeptes. En effet, c’est une personne sur cinq qui réalise des voyages en van depuis moins d’un an.

Source de l’image : Go Van

Les voyageurs en van s’intéressent à différents types de passe-temps lors de leurs séjours ; voilà une opportunité d’offrir des expériences mixtes. Quelque 30 % des répondants identifient les activités sportives comme représentant la plus grande part de leurs dépenses, suivi de très près par les restaurants et les microbrasseries (28 %).

Source de l’image : Go Van

Sur le plan des nuitées, la grande majorité des répondants dit privilégier des sites en nature, soit en bord de route ou en forêt, alors que le tiers affirme dormir souvent dans les campings traditionnels.

Source de l’image : Go Van

Le camping nomade est donc courant et apprécié par ces voyageurs. Ce type de camping connaît un boom impressionnant depuis les dernières années. Surnommé boondocking en anglais, cette pratique consiste à camper temporairement et gratuitement dans un endroit où il n’est généralement pas possible d’avoir accès à l’eau potable, l’électricité ou une sortie d’égout.

Certaines destinations demeurent mitigées face à cette pratique, d’autant plus que la pandémie de COVID-19 n’est venue qu’amplifier le phénomène.

Un intérêt grandissant qui ne plaît pas à tout le monde

La popularité croissante de la vanlife provoque certainement des enjeux de cohabitation. On se rappelle notamment l’onde de choc occasionnée par les campeurs sur les plages de la Gaspésie à l’été 2020. Gaspé a d’ailleurs réitéré l’interdiction de camper sur ses plages ainsi que dans tout autre lieu public à l’approche de la saison estivale 2022.

La situation est semblable à Tadoussac. En 2021, la ville a commencé à donner des amendes aux propriétaires de VR et de van qui campaient gratuitement sur le territoire. Il va sans dire que depuis les dernières années, le secteur des dunes a particulièrement été touché par les campeurs qui y laissent des déchets.

D’autres pays sont également aux prises avec la même problématique ; c’est le cas notamment du Portugal où il est illégal de camper en dehors des campings officiellement désignés. Praia da Ingrina, une plage située dans le sud-ouest de l’Algarve, est particulièrement affectée par cet enjeu. Bien que le camping nomade puisse entraîner des amendes allant de 200 à 4 000 euros, les vanlifers n’hésitent pas à s’y cantonner. Les résidents déplorent les comportements des voyageurs qui laissent des déchets, détruisent la flore et allument des feux sur la plage.

Source de l’image : The Portugal News

Des initiatives d’ici qui accueillent les vanlifers

Plusieurs régions québécoises perçoivent la présence des vanlifers comme une opportunité. Elles choisissent d’encadrer la pratique plutôt que de l’interdire. Avec l’achalandage accru des terrains de camping à l’été 2020 et 2021, des espaces de stationnement gratuit nommés « sites de débordement » ont été mis en place pour bien accueillir ces voyageurs et pour tenter de les inciter à rester plus longtemps dans la région. Bien que ces haltes aient été pensées pour soulager les campings affichant complet, certains préfèrent s’y rendre directement étant donné la gratuité du service.

À cet effet, Baie-Comeau dédie plusieurs espaces de stationnement, en bord de mer ou plus près du centre-ville, aux voyageurs en van et en VR. Certains possèdent même des toilettes et des stations de vidanges. La municipalité des Escoumins détient également un parc aménagé pour les véhicules récréatifs et les vans comprenant des poubelles et une toilette. Le village souhaite d’ailleurs devenir une destination incontournable pour la vanlife. Pour éviter les débordements qu’ont connu leurs voisins de la péninsule gaspésienne, la municipalité utilise des applications, telles que iOverlander, afin de diriger les voyageurs vers des lieux propices à leur bien-être et à celui des communautés locales.

Au Bas-Saint-Laurent, la ville de Rimouski a mis à disposition à l’été 2021 une quarantaine d’espaces de stationnement dédiés aux véhicules récréatifs et aux vans. Les voyageurs avaient la possibilité d’y rester 24 heures et étaient ensuite invités à poursuivre leur séjour dans un camping de la région. En Gaspésie, la ville d’Amqui a aussi mis en place ce type de halte dans certains stationnements.

D’autres lieux souhaitent aussi tirer parti de cette clientèle grandissante et mettent tout en place pour y arriver. Le sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, situé à Trois-Rivières, invite les voyageurs en van et en VR à utiliser des parcelles de leur terrain en bordure du fleuve pour quelques nuitées. Les vanlifers ont, entre autres, accès à l’eau potable, aux toilettes ainsi qu’au restaurant du sanctuaire et sont ensuite invités à effectuer un don pour leur séjour.

Source de l’image : Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap

Les adeptes du terroir et d’expériences gourmandes et agrotouristiques sont comblés par ce qu’offre Terego. La plateforme met en contact des voyageurs en VR avec des producteurs agricoles (lire aussi Trois tendances en plein air pour s’inspirer). Pour des frais annuels de 105 $, les vanlifers ont accès à tout le réseau Terego et peuvent donc s’installer pour une nuit sur le terrain d’un vignoble ou d’une ferme locale, par exemple. En Finlande, le Café Bar Pesula accueille à bras ouverts ces voyageurs et leurs véhicules dans leur stationnement (lire aussi Un restaurant « Bienvenue aux VR »).

Source de l’image : Terego

Exemple de structuration : la Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélande est reconnue par les amateurs de roadtrip pour être une destination de choix… et il faut croire que le pays est actuellement victime de son succès. Selon un rapport publié en février 2021, le nombre de campeurs nomades étrangers est passé de 10 000 au début des années 2000 à 123 000 en 2018. Sans grande surprise, cet engouement massif déplaît à certaines communautés locales ; l’encombrement des espaces de stationnement et des plages, la congestion des routes ainsi que les déchets des campeurs sont devenus de réelles préoccupations.

Source de l’image : The Conversation

Fort d’une longue tradition, le ministre du tourisme Stuart Nash ne souhaite pas interdire la pratique du camping nomade. Cependant, des modifications sont proposées ; de nouvelles règles devraient être mises en place progressivement à partir de l’été 2022. Ces changements visent notamment à protéger l’environnement naturel, à garantir une pratique responsable du camping et à s’assurer du bien-être des communautés locales touchées par cet enjeu.

Voici quelques changements proposés :

  • Établir un système réglementé pour la certification et l’enregistrement des véhicules autonomes ;
  • Exiger que les campeurs en van utilisent un véhicule autonome certifié lorsqu’ils séjournent sur les terrains municipaux, à moins que le site soit désigné comme convenant aux véhicules non autonomes ;
  • Obliger les véhicules à disposer d’une toilette fixe pour être certifiés autonomes ;
  • Renforcer le système d’infraction (par exemple en augmentant les amendes).

Une période de transition de deux ans est prévue avant que tous les véhicules autonomes ne doivent adhérer aux nouvelles normes.

 

Plusieurs destinations et lieux sont favorables à la vanlife, mais cette pratique demeure tout de même controversée, notamment à cause des traces que laissent certains de ces nomades derrière eux. Encadrer ou interdire, la question se pose !

 

Image à la une : Unsplash