2023 : une prémisse aux effets des changements climatiques ?

7 minutes de lecture

Elisabeth Sirois Elisabeth Sirois

Les événements météorologiques extrêmes sont amenés à augmenter en fréquence, mais aussi en intensité. Comment les prestataires touristiques peuvent-ils se préparer ?

Le Québec a été particulièrement frappé par les événements météorologiques extrêmes en 2023 : feux de forêt, épisodes de pluie verglaçante, inondations, vagues de chaleur, tornades, etc. Ces phénomènes génèrent des coûts sociaux importants (dépression, perte d’emploi, stress financier, physique et psychologique, etc.). D’après le Baromètre de l’action climatique, près d’une personne sur trois (31%) déclare être « fatiguée d’entendre parler des changements climatiques ». Le Baromètre de la consommation responsable expose un constat semblable : les Québécois en ont assez d’entendre parler d’environnement. 

Cela dit, selon Philippe Gachon, directeur général du Réseau Inondations InterSectoriel du Québec (RIISQ), les événements météorologiques extrêmes ne feront qu’augmenter dans les années à venir. D’autres spécialistes, tels qu’Alain Bourque, directeur général du Consortium Ouranos et Yannick Hémond, professeur au Département de géographie de l’UQAM, mentionnent qu’ils seront plus fréquents et surtout plus forts, plus soudains et plus soutenus. 

Une enquête réalisée par la Chaire de tourisme Transat en novembre 2023 montre que 10 % des voyageurs québécois ayant voyagé au Québec à l’été 2023 ont dû modifier un séjour en raison d’événements météorologiques extrêmes. L’évolution soutenue de la situation climatique porte à croire que ce type de comportement sera de plus en plus observé dans les années à venir. Ce contexte représente déjà un défi pour les prestataires touristiques. En effet, d’après l’enquête trimestrielle de performance de l’industrie effectuée par la Chaire pour le compte du ministère du Tourisme du Québec, quelque 58 % des entreprises touristiques québécoises sondées considèrent que les conditions météorologiques de l’été 2023 ont exercé une influence négative sur l’achalandage de leurs organisations. 

Commenten tant qu’entreprise ou destination, accompagner les voyageurs à travers ce blizzard d’impondérables et limiter l’impact des changements climatiques sur le territoire et les communautés ?  

Offrir une protection météo

L’industrie touristique est très sensible à la météo ; le mauvais temps peut rapidement créer des déceptions chez les voyageurs. Parfois, certains raccourcissent même leur séjour lorsque celle-ci ne répond pas à leurs attentes. Il faut dire que la situation ne risque pas de s’améliorer avec la progression des effets des changements climatiques.  

Le Renwick Hotel à New York joue sur cet aspect pour attirer les clientèles dans son établissement. L’hôtel offre à ses clients une « assurance météo » grâce à un partenariat avec l’entreprise spécialisée en technologies climatiques, Sensible Weather. Lorsqu’ils réservent leur séjour, les voyageurs ont la possibilité d’ajouter la garantie (d’une vingtaine de dollars par jour) au montant de leur facture. En cas de pluie pendant plus de deux heures entre 9 heures et 19 heures, le coût total de la chambre leur est remboursé. Les clients reçoivent à cet effet un message texte les informant à la fois du mauvais temps et du montant de leur remboursement. Ils n’ont naturellement pas la possibilité d’annuler leur voyage à l’avance en se fiant aux prévisions météorologiques. Sensible Weather couvre plusieurs autres intempéries, tels que les vents violents, la mauvaise qualité de l’air ou les températures extrêmes et fait affaire avec diverses autres entreprises touristiques, dont Campsited, un réseau de distribution qui permet la réservation de séjours en camping. 

Déployer un plan de gestion des risques météorologiques et climatiques

L’objectif du plan 2017-2027 de l’Irlande est de surveiller, d’analyser et de prévoir l’évolution de la météo et du climat au sein du pays. Chapeautée par Met Éireann, le service météorologique de l’État, la stratégie se déploie en six axes, allant du soutien aux événements météorologiques à l’anticipation et à la prévention de certains phénomènes, comme les inondations. La réussite du plan est tributaire de la collaboration de plusieurs parties prenantes, dont des chercheurs et des intervenants des secteurs économiques dépendant de la météo, comme les transports, l’agriculture ou le tourisme. Plusieurs initiatives seront mises en place pendant ces dix années. En voici quatre :  

  • Construire un réseau de partenaires : faciliter l’échange continu de connaissances et l’apprentissage axé sur la façon dont les services météorologiques peuvent soutenir la prise de décision des entreprises. 
  • Produire des services météorologiques et climatiques adaptés à la demande et aux secteurs : simplifier la prise de décision en matière de planification et de gestion des risques. 
  • Fournir des informations sur le climat : par l’intermédiaire d’un portail qui propose un ensemble de services climatiques élaborés en partenariat avec des agences et des organisations nationales et internationales. 
  • Communiquer efficacement les alertes et les avertissements d’inondation : assurer une sensibilisation du public aux risques d’inondation et aux mesures d’atténuation appropriées.

Concevoir des mesures d’atténuation

L’Île-de-France, une région située dans le centre-nord de la France où se trouve notamment la ville de Paris, a lancé son Plan d’adaptation aux changements climatiques en 2022, une stratégie à hauteur d’un milliard d’euros, divisée en trois axes et s’échelonnant jusqu’en 2030. L’objectif est de répondre aux effets des changements climatiques sur les écosystèmes, l’économie et la santé globale de la population. Pour être efficace et intégrer tous les secteurs concernés, la région adopte une approche transversale allant au-delà du tourisme. Plusieurs acteurs ont donc été consultés, dont le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, la Direction Régionale de l’Agriculture et de la Forêt, l’Agence régionale de santé, ainsi que la Fédération nationale des associations d’usagers des transports Île-de-France. 

De nombreux projets sont en cours. À ce jour, 36 îlots de fraîcheur urbains ont été créés. La destination prévoit également d’installer « des abris climatiques », soit des fontaines, des brumisateurs, des points de rafraîchissement et des espaces verts ou d’ombre accessibles rapidement en cas de canicule. La région se mobilise aussi pour réouvrir l’accès à la Bièvre (une rivière de près de 35 km de long) à la baignade. Cette initiative permettrait la réappropriation des berges par la communauté et valoriserait le patrimoine culturel et paysager. Elle envisage de planter près de deux millions d’arbres d’ici 2030 et de verser un million d’euros pour l’adaptation des forêts aux changements climatiques. 

Les possibilités sont nombreuses et surtout variées. Quelles sont les mesures les plus appropriées pour vos entreprises ou vos territoires ?  

Cet article se retrouve dans le Cahier Tendances 2024 réalisé par l’équipe de la Chaire de tourisme Transat. 

Image à la une : Adobe Stock