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Analyse - 9 novembre 2016

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novembre 2016

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Pour ou contre les pourboires?

Des restaurateurs américains décident d'abolir les pourboires et d'offrir à leurs employés un revenu décent et stable. Ils estiment que c'est aussi plus équitable pour les employés et que cela simplifie l'expérience du client.

Le salaire horaire minimum des employés à pourboire au Québec s’élève à 9,20 $ (alors que le taux général est de 10,75 $). Le pourboire est parfois partagé entre les employés, pour réduire les iniquités au sein du personnel, et cela soulève bien des débats. En fait, c’est tout le concept du pourboire qui est parfois remis en question.

Aux États-Unis, la situation est particulièrement sensible, du moins pour un grand nombre d’États. Le gouvernement fédéral impose un salaire de base de 2,13 $ US. Bien que la plupart des États proposent des taux plus élevés, près d’une vingtaine ont choisi ce tarif horaire, laissant ainsi entre les mains du consommateur une grande part de responsabilité dans le revenu du serveur.

Michael Lynn, chercheur et expert en matière de pourboire à l’Université Cornell, énonce cinq questions afin de mieux cerner les enjeux concernant le pourboire dans les restaurants et tente d’y répondre à l’aide de résultats de sondages et d’enquêtes. Voici un aperçu de ses conclusions.

1. Les employés à pourboire sont-ils sous-payés? 

En fait, la question est plutôt de savoir s’il existe une équité entre les employés à pourboires et ceux qui travaillent en cuisine, par exemple. Les études analysées par M. Lynn démontrent que les employés à pourboire gagnent au final des revenus plus élevés, parfois de beaucoup, que leurs collègues qui ne bénéficient pas de pourboires.

Pour corriger la situation, ce constat exige des restaurants qui éliminent le pourboire qu’ils bonifient le salaire de leurs serveurs afin de compenser cette perte. La solution consiste souvent en une augmentation des prix au menu ou un ajout de frais de services à taux fixe. Ces revenus supplémentaires permettent de hausser le salaire des serveurs et de bonifier aussi celui des employés en cuisine, par souci d’équité.

2. Le concept de pourboire contribue-t-il à attirer les meilleurs travailleurs? 

La rétribution à la performance semble en effet attirer des travailleurs qui se démarquent en matière de service, mais pas de façon très marquée. Le même constat est observable en ce qui concerne les serveurs plus expérimentés. Ces derniers cumulent, en moyenne, des pourboires plus élevés que ceux qui débutent. Aussi, les serveurs qui gagnent des pourboires plus élevés sont également ceux qui aiment le plus leur emploi et qui ont l’intention de rester en poste longtemps. Toutefois, le fait de travailler à pourboire implique des revenus variables, ce qui peut paraître rebutant pour certains travailleurs.

Comme le souligne le chercheur, bien qu’elle existe, cette relation entre le pourboire et l’attrait de travailleurs expérimentés est plutôt faible, trop faible pour justifier seule le recours aux pourboires.

3. Le concept de pourboire permet-il d’augmenter la satisfaction du client? 

Des sondages démontrent que la majorité des consommateurs affirment donner du pourboire en fonction de la qualité du service reçu. Ils estiment donc que la variation du pourboire stimule le serveur à donner un bon service. Cette hypothèse semble se confirmer avec les enquêtes menées par M. Lynn et son collègue, Rob Kwortnik. L’une d’entre elles indique que le pointage des avis en ligne du croisiériste Carnival Cruises était plus élevé (4,0 vs 3,7) avant que ce dernier ne remplace le pourboire volontaire par des frais de services fixes. Le même phénomène est observable pour un groupe de restaurants de Miami qui performait mieux sur la plateforme d’avis en ligne Zagat avant l’abolition du pourboire (19,5 vs 18,5). Toutefois, il s’agit de faibles baisses. De plus, de nombreux autres établissements qui fonctionnent sans pourboire obtiennent des cotes élevées sur ces portails Web. Le pourboire n’est donc pas nécessaire à la satisfaction de la clientèle, mais il semble bien qu’il puisse y contribuer.

4. Le concept de pourboire permet-il d’augmenter la demande dans les restaurants en donnant la perception d’un coût réduit? 

La question pourrait très bien se poser à l’inverse. Selon Michael Lynn, plusieurs restaurateurs craignent de remplacer le pourboire par des frais de services ou par des prix plus élevés parce qu’ils donneront ainsi l’impression au consommateur que manger dans leur restaurant coûte plus cher qu’ailleurs. Les recherches leur donnent raison.

Les témoignages recueillis à travers diverses expérimentations révèlent que l’abandon du pourboire pourrait entraîner une hausse du coût perçu d’un repas au restaurant et une baisse de la demande d’une part importante d’un sous-groupe de consommateurs. L’effet devrait être plus marqué si le pourboire est remplacé par une augmentation des prix que s’il est présenté comme des frais de services.

5. Le concept de pourboire accroît-il les coûts pour le restaurateur? 

L’idée que le pourboire réduit les coûts pour le restaurateur est généralement la perception qui est véhiculée. Plusieurs facteurs sont pris en ligne de compte ici par le chercheur Lynn comme les systèmes de paye et les aspects légaux concernant l’impôt ou encore les considérations comptables. Tout compte fait, le recours aux pourboires peut réduire certains coûts, mais en augmenter d’autres. En fait, tout dépend de l’État dans lequel le restaurant se trouve et du salaire minimum y ayant cours.

Indiqué pour les restaurants haut de gamme

Enfin, les établissements les plus propices à tirer avantage (pour les employés comme pour les restaurateurs) de l’abolition du pourboire sont les restaurants haut de gamme. En effet, les employés en cuisine y sont souvent désavantagés par rapport aux serveurs qui cumulent d’importants pourboires. De plus, la majoration des prix au menu ou l’ajout de frais de service ne sont pas des irritants majeurs pour cette clientèle peu sensible au prix.

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Source : Union Square Hospitality Group

Michael Lynn ajoute qu’il est aussi très important pour les restaurateurs qui prennent la décision d’abolir le pourboire d’interdire aux employés d’en accepter. Il ne faut pas donner au consommateur l’option d’en laisser. Sinon, le geste se multipliera et les consommateurs se sentiront graduellement obligés (socialement) d’en laisser. Certains établissements comme The Radler à Chicago ou encore le Bar Marco de Pittsburgh l’énoncent clairement.

  

Image une : © Unsplash

Source(s)

- Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, consulté le 9 septembre 2016

- Lynn, Michael. « The Business Case for (and against) Restaurant Tipping », Cornell Hospitality Report, Vol.16, no 14, juin 2016.

- United States Department of Labor, consulté le 9 septembre 2016.

  • greg

    je suis d’accord pour abolition du pouboir comme en Europe, pas de pourboir obligatoire.

  • Monske

    je suis d’accord pour l’abolition du pourboire. comme nous travaillons beaucoup avec des touristes européens, ceux-ci ne sont pas habitué à donner un pourboire puisqu’il est compris dans le prix chez eux. Il vaut mieux donner un salaire plus élevé au serveur, que de le payer au pourboire.

  • Sarah

    En tant que Suisse, je trouve intéressant mais marrant cette vision des choses. C’est là qu’on voit que c’est totalement culturel. En Suisse, le prix au restaurant s’entend TTC (donc y.c. le service). Cependant, de nombreuses personnes donnent tout de même du pourboire (qui peut aller de presque rien à 10% de la note totale) en fonction de la qualité du service reçu 😉

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