Quand l’art trouve écho dans les territoires des montagnes

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Raph Lugon Raph Lugon

La créativité artistique est aujourd’hui perçue comme un moyen efficace de renforcer l’attractivité touristique des territoires. Résidences d’artistes, festivals d’art contemporain, art urbain ou arts de la scène, les projets culturels foisonnent.

Nos confrères suisses de l’Observatoire Valaisan du Tourisme de l’Institut de Tourisme de la HES-SO Valais se sont penchés sur la redynamisation des territoires de montagne par l’animation et la création artistique. Voici deux exemples observés près de chez eux.

Faire revire un village qui se meurt

Chaque année, les amateurs de culture investissent de nouveaux lieux à Riom, village de montagne dans le canton des Grisons. Les spectateurs affluent. L’église baroque et la forteresse médiévale connaissent un second souffle. Le village revit pendant le Festival culturel Origen.

Depuis sa création en 2001, Origen a réussi son pari de transformer une région rurale en perte de vitesse en véritable pôle culturel, le tout en privilégiant les arts de la scène : théâtre, opéra, musique. En 2010, son fondateur, Giovanni Netzer, natif du lieu et âme de ce festival hors-norme, a fait installer un théâtre au col du Julier. Cette prouesse architecturale, construite en bois à 2284 mètres d’altitude dans un environnement extrême, celui de la haute montagne alpine, est une tour de Babel de 30 mètres de hauteur!

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Source : Savognin.graubuenden.ch

Avec les années, le développement de la région est devenu le thème central du Festival, car il faut penser à l’accueil du public, à l’hébergement, à la restauration, au transport et à l’implication des habitants. D’ailleurs, en 2019, le village de Riom, centre de ce pôle culturel, s’est porté candidat au concours du plus beau village de Suisse avec comme credo « la lutte contre la désertification rurale ». C’est dire la fierté affichée de ses habitants, qui peuvent également profiter de spectacles joués en romanche, une langue minoritaire en Suisse, mais toujours vivante dans cette région des Alpes grisonnes. 

Un vecteur de communication

Le Vision Art Festival est né en 2015, à l’initiative d’artistes passionnés par l’art urbain. Depuis, les murs de certains hôtels et de logements privés ou encore les surfaces offertes par l’infrastructure en béton des remontées mécaniques se couvrent de graffitis. À ce jour, les graffeurs ont peint 70 œuvres à des altitudes allant de 1500 à 3000 mètres. L’environnement climatique extrême de la haute montagne pose d’ailleurs des défis importants aussi bien lors de la réalisation des fresques que pour leur préservation.

Source vidéo : Youtube, Vision Art Festival

« Susciter l’intérêt et gagner les faveurs des habitants de Crans-Montana a été notre premier défi », indiquent les organisateurs. Au début, des polémiques ont éclaté. Le Festival s’est donc adapté. Aujourd’hui, il est devenu plus facile de trouver du soutien au sein de la population. « Il y a des murs plus “sensibles” que d’autres », explique l’artiste Jam Rezgui. Ainsi, « les murs les plus visibles, c’est-à-dire ceux situés aux entrées et aux sorties de la station, ne sont pas trop colorés ». Les murs avec des graffitis plus colorés occupent des rues latérales, des espaces plus discrets.

Les graffeurs s’adaptent aussi aux couleurs de l’environnement urbain en jouant sur le mimétisme. Certaines thématiques parlent directement au cœur des résidents : le mur d’un bâtiment résidentiel illustre une scène avec des convives dégustant une fondue, tradition bien helvétique. L’œuvre a été réalisée par un artiste marocain. Un autre graffiti représente l’acteur Roger Moore, connu pour avoir incarné James Bond, célèbre résident de Crans-Montana décédé en 2017.

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Source : Jasm.1 2018 Hôtel Le Green

« Ce festival est du pain béni pour la destination! », s’enthousiasme Samuel Bonvin, directeur marketing de la destination. L’image de station huppée et désuète colle toujours à la peau de Crans-Montana, et ce, malgré la démocratisation des sports d’hiver dans les années soixante-dix. Le Festival permet de bousculer ce cliché, tout en respectant l’identité culturelle du lieu. En effet, la marque Crans-Montana cherche à se positionner comme une destination de plaine-montagne, avec ses sommets, son espace urbain et, au pied du coteau, ses vignobles ensoleillés.

Le Vision Art Festival donne une image d’audace et séduit un jeune public; c’est bénéfique pour la destination. En effet, il est difficile de construire une image cohérente sur la base d’une diversité d’offres, c’est-à-dire le ski, le golf, le magasinage, le sport, la randonnée, etc. Avec leurs 11 000 habitants, les communes du Haut-Plateau forment un espace urbain à la montagne. Le boum de la construction de résidences secondaires dans les années soixante-dix a laissé derrière lui son cortège de bâtiments en béton, que l’art urbain exploite aujourd’hui. Et le marketing numérique fonctionne ici à plein régime. Par exemple, l’œuvre de l’artiste espagnol Okuda San Miguel a déjà été visionnée 9 millions de fois et elle continue à générer des vues encore aujourd’hui.

Le Festival est un vecteur prodigieux de communication. Sa notoriété est très élevée à l’international et permet de faire rayonner la destination dans le monde entier.

La culture est très présente à Crans-Montana et la destination soutient 91 événements par année. « Nous ne subventionnons pas la culture », précise Samuel Bonvin, même si la destination appuie bon nombre d’événements culturels et en évalue les résultats. « Le Vison Art Festival n’a pas une note élevée en termes d’affluence, mais ce n’est pas son but que d’attirer le maximum de visiteurs. » En revanche, le Festival est un vecteur prodigieux de communication. Sa notoriété est très élevée à l’international et permet de faire rayonner la destination dans le monde entier. De l’avis des organisateurs, l’événement reste cependant méconnu des « locaux », c’est-à-dire des habitants du canton du Valais. Que ce public de proximité s’y intéresse serait une belle récompense pour les porteurs de ce projet culturel et artistique.